Antoine Dieu
par Marianne Paunet
Cahiers du dessin français n°20
Publié en mars 2018
Sommaire
- Introduction
- Texte d’ouverture Lire un extrait
- Repères biographiques
- Catalogue
- Sujets d’histoire : religion, mythologie, histoire antique et romaine, histoire ancienne, histoire moderne
- Portraits et portraits en mode
- Allégories
- Sujets d’illustration
- Sujets de genre
- L’académie
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Extrait de l’introduction
De la carrière d’Antoine Dieu, dessinateur que l’on situe généralement à mi-chemin entre Charles Le Brun et Antoine Watteau, ce sont les grandes commandes officielles et ses liaisons avec l’académie royale de peinture et de sculpture qui sont les repères les plus connus. Élève de l’académie, il remporte le Grand Prix de Rome en 1686, ne quittera jamais paris et sera reçu académicien sur le tard, en 1722 (1). Parmi ses projets les mieux documentés, la commande de cartons de tapisserie pour les Bâtiments du roi entre 1710 et 1715 est de loin la plus commentée puisqu’elle atteste la collaboration entre Antoine Dieu et Antoine Watteau (2). en 1727, il participe au concours de peinture d’histoire organisé par le duc d’Antin sans en connaître l’issue : il meurt trois mois avant l’annonce des résultats, le 5 avril 1727.
Ces grands jalons chronologiques laisseraient penser que sa carrière commence puis prend fin avec l’Académie. Cela serait sans compter que son activité de dessinateur est plus étroitement liée au milieu parisien de l’estampe de la fin du règne de Louis XIV. Il collaborera avec des graveurs, des éditeurs d’estampes et des libraires toute sa vie durant. Parmi les plus importants, citons Jean Mariette, le père du célèbre amateur Pierre-Jean Mariette, ou le graveur Jean Audran. Quelques chiffres seront davantage éloquents : à ce jour, le corpus graphique d’Antoine Dieu s’élève à environ cent-vingt dessins. Un tiers est gravé et un quart supplémentaire a de grandes chances de l’être aussi. Parmi les dessins gravés, une majorité semble avoir été conçue à l’intention de la gravure, mais quelques compositions ont pu être reprises a posteriori.
L’estampe tient donc une place importante dans sa carrière, à défaut de la peinture. Son œuvre peint est mince et ne s’élève aujourd’hui qu’à une douzaine de toiles. Toutefois, une grande partie reste à redécouvrir puisqu’une soixantaine d’estampes d’après Antoine Dieu porte la mention Dieu pinx ou pinxit, « Dieu a peint ». S’il faut parfois se méfier de cette formule, qui peut également faire référence à des dessins très picturaux, elle donne une idée de la proportion de tableaux non localisés.
Si le rapport à la gravure est essentiel, il n’est pas la dernière des facettes de sa carrière : Antoine Dieu paraît avoir joué un rôle de premier plan au sein de l’Académie de Saint-Luc qui s’érige en rivale de l’Académie royale lorsque celle-ci décline au tournant de 1700. Émanation de la corporation des maîtres-peintres et sculpteurs, l’Académie de Saint-Luc instaure à son tour des leçons de dessin d’après modèle à partir de 1705. Sur cette matière, d’importantes recherches sont en cours afin de reconsidérer l’importance de cette institution à Paris en cette fameuse époque dite de transition (3). L’investissement d’Antoine Dieu au sein de la corporation des maîtres-peintres et sculpteurs correspond par ailleurs à ses débuts en tant que marchand. De 1698 à 1718, il tient boutique sur le petit-pont, avant de la céder à Edme-François Gersaint qui fera profondément évoluer l’enseigne et, au-delà, le commerce du luxe parisien au XVIIIe siècle.
À l’intersection de ces identités plurielles vient le dessin, l’invention. Antoine Dieu est avant tout un concepteur d’images qui semble avoir bien compris le goût de son époque. Il est peut-être même un dessinateur en vue comme le suggère certaines commandes, en particulier d’importants frontispices de thèses ou des éditions illustrées particulièrement soignées. Il traite aussi bien le grand genre que les compositions allégoriques – le mode de discours officiel et privilégié en cette fin de siècle – les sujets religieux que les images profanes. Aux côtés de Bernard Picart, Claude Simpol ou Jean II Cotelle, il est aussi de ceux qui perpétuent le goût pour la pastorale et voient émerger le sujet de genre galant dans les années 1690.
1. Il a alors une soixantaine d’année. Il n’aura pas été agréé au préalable et n’aura donc pas eu besoin de fournir de composition qui fasse juger de son mérite à devenir académicien. en outre, il sera exempté de la taxe d’entrée. Il fournira tout de même un morceau de réception, La Bataille d’Annibal au lac de Trasimène (Paris, musée du Louvre, Inv. 2894). Voir Anatole de Montaiglon (éd.), Procès-verbaux de l’Académie royale de peinture et de sculpture, Paris, Société de l’Histoire de l’art français, t. IV, 1881, p. 332.
2. Voir en particulier : Marianne Roland-Michel, Watteau : un artiste au XVIIIe siècle, paris, 1984, p. 65 et suiv. et p. 232 ; Martin Eidelberg, « The Julienne spring by antoine Watteau », Apollo, CXXIV, 293, 1986, p. 98-103, et « Dieu invenit, Watteau pinxit », Revue de l’Art, 115/1997-1, p. 25-29.
3. Citons la thèse en cours de M. Bruno Guilois, La Communauté des maîtres-peintres et sculpteurs parisiens et son école de dessin, dite Académie de Saint-Luc, de la seconde moitié du XVIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, sous la direction d’Alain Mérot à l’université Paris IV Paris-Sorbonne.