L’atelier de François Boucher
par Rémi Freyermuth
Cahiers du dessin français n°23
Publié en mai 2022
Sommaire
- Introduction
- Texte d’ouverture Lire
- Charles Michel-Ange Challe (Paris, 1718 – id., 1778)
- Pierre-Antoine Baudoin (Paris, 1723 – id., 1769)
- Charles de La Traverse (Paris, v. 1726 ? – id., v. 1787 ?)
- Pierre-Charles Le Mettay (Fécamp, 1726 – Paris, 1759)
- Jean-Baptiste Deshays de Coleville (Rouen, 1729 – Paris, 1765)
- Jean-Baptiste Le Prince (Metz, 1734 – Saint-Denis-du-Port, 1781)
- Jacques-Philippe-Joseph de Saint-Quentin (Lille, 1738 – Paris, v. 1785)
- Pierre Lélu (Paris, 1741 – id., 1810)
- François-Guillaume Ménageot (Londres, 1744 – Paris, 1816)
- Liste des élèves de François Boucher
- Table des illustrations
- Bibliographie
- Catalogue
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Extrait de l’introduction
Les jeunes artistes qui annonçaient quelques talents, trouvaient en lui [François Boucher] un ami sincère, toujours prêt à diriger leurs études et à contribuer à leur progrès. Mais exempt de la charlatanerie des mots, c’était par des exemples plus que par des leçons qu’il les rappelait aux principes de son Art. Lorsque quelqu’un d’entre eux venait le consulter « je ne sais conseiller, lui disait-il, que le pinceau à la main », et prenant le tableau, il le corrigeait et transformait souvent un ouvrage faible en un excellent original (1).
Les différents témoignages sur l’enseignement de François Boucher (Paris, 1703 – id., 1770) s’accordent sur sa disponibilité et sa bienveillance.
En 1765, Charles-Nicolas Cochin (Paris, 1715 – id., 1790) soumet au marquis de Marigny (Paris, 1727 – id., 1781) la candidature de Boucher au poste de directeur de l’École royale des élèves protégés. Il souligne que l’artiste « en sachant contenir les élèves, aura l’art de se faire aimer et de leur inspirer l’amour du talent et du travail (2) ». Jean-Bernard Restout (Paris, 1732 – id., 1797) redouble cette amabilité accordée au peintre par une grande générosité, et prétend que Boucher n’employait jamais ses élèves « sans les récompenser, soit de ses ouvrages, soit de sa bourse, quelquefois même de tous les deux (3) ». Les inventaires et ventes après décès des élèves de François Boucher mentionnent en effet de nombreux dessins du maître, parfois des peintures. Théophile Fragonard (Paris, 1806 – Neuilly-sur-Seine, 1876), petit-fils de Jean-Honoré (Grasse, 1732 – Paris, 1806), indique que le peintre aurait pris sous son aile son grand-père « immédiatement avec lui sans lui demander d’honoraires » car « il devina qu’il pourrait lui rendre plus d’un service (4) ».
Cette confiance que le peintre accordait à ses pupilles et ce plaisir d’apprendre se confondent à la transmission d’un style qui bouscule les règles académiques.
Dans ses mémoires, le peintre allemand Johann Christian von Mannlich (Strasbourg, 1741 – Munich, 1822) souligne ses difficultés à s’affranchir des leçons de son mentor : « Mes études à l’Académie étaient du Boucher tout pur, et les professeurs de la semaine, apparemment par dérision, me faisaient compliment de cette fidèle imitation de l’homme du jour (5) ». L’Académie royale reposait effectivement sur un système d’ouverture et son enseignement du dessin impliquait une alternance de professeurs pour que les élèves ne s’en tiennent pas à l’apprentissage d’un seul maître, et deviennent ce que l’on appelait alors des « copistes de manière ». L’atelier de François Boucher ne se soumettait naturellement pas à ces prérogatives, et la copie des œuvres du maître y était un exercice traditionnel. Mannlich raconte que Boucher « nous occupà longtems a copier ses plus beaux désseins qu’il vouloit garder dans son portefeuille. Ce sont des copies que nous dévions que préparer sans y mettre les dernières touches qu’il retouchoit pendant son déjeuner, en fit des origineaux et les vendit deux louis piece (6) ».
Ainsi, François Boucher tirait plusieurs bénéfices de sa pédagogie.
Il enseignait l’art par la copie, transmettait sa manière et réalisait des profits grâce aux travaux de ses élèves, alors que ses dessins étaient particulièrement demandés par les collectionneurs (7). En effet, dès son retour d’Italie et sa réception à l’Académie en 1731, Boucher aurait reçu de nombreuses commandes (8). Nous supposons que cette importante et soudaine productivité l’a incité à engager des élèves, d’abord à domicile, dans des « ateliers domestiques (9) » puis dans des lieux plus grands et prestigieux comme la Bibliothèque royale en 1749 (10) et, bien sûr, le palais du Louvre en 1752 (11). C’est à compter de cette date que l’atelier de Boucher devient le plus fréquenté de Paris jusqu’à sa mort en 177012. Les élèves du peintre ont été nombreux et certains nous sont connus grâce aux registres de l’Académie royale et des témoignages contemporains ou postérieurs.
Afin de dresser un portrait de l’atelier de François Boucher et de son enseignement, nous en avons sélectionné neuf.
Les carrières de ces derniers, aux personnalités et aux styles variés se développent sur plusieurs générations et recouvrent une vaste partie du dessin français de la seconde moitié du siècle des Lumières, des années 1740 jusqu’à la Révolution. D’aucuns regretteront l’absence de Fragonard, l’élève le plus reconnu et célébré de Boucher. Nous avons délibérément choisi des dessinateurs moins étudiés et peu exposés dans les collections françaises et internationales. Nous espérons que ce Cahier du dessin français leur rende hommage et, à travers eux, célèbre une nouvelle fois l’importance de François Boucher dans l’art du XVIIIe siècle.
1. Jean-Bernard Restout, Galerie Françoise, ou Portraits des hommes et des femmes célèbres qui ont paru en France, Paris, Hérissant le fils, 1772, n. p.
2. Christian Michel, « Boucher : professeur à l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture » in Emmanuelle Brugerolles (dir.), François Boucher et l’art rocaille dans les collections de l’École des Beaux-Arts [cat. exp., Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 16 octobre – 21 décembre 2003, Sydney, Art Gallery of New South Wales, 5 mars – 1er mai 2005, Ottawa, musée des Beaux-Arts du Canada, 16 septembre 2005 – 1er janvier 2006], Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 2003, p. 98.
3. Jean-Bernard Restout, 1772, op. cit.
4. Ce récit est à nuancer car Boucher, avant d’accepter Fragonard dans son atelier, l’envoya chez Chardin afin d’apprendre la « couleur ». Voir Pierre Rosenberg, Fragonard [cat. exp. Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 24 septembre1987 – 4 janvier 1988, New York, the Metropolitan Museum of Art, 2 février – 8 mai 1988], Paris, Réunion des Musées Nationaux, 1987, p. 61.
5. Johann Christian von Mannlich, Histoire de ma vie, Trier, Karl-Heinz Bender, Hermann Kleber, 1989, p. 157.
6. Ibidem.
7. Boucher serait un des premiers artistes à avoir introduit le dessin comme un élément de décoration intérieure et à tirer parti financièrement de la vente de ses feuilles. L’artiste aurait d’ailleurs provoqué l’engouement des collectionneurs au salon de 1745, où il exposa quelques-unes de ses études. Voir Alexandre Ananoff, L’Œuvre dessiné de François Boucher (1703-1770) : catalogue raisonné, Paris, F. de Nobele, 1966, p. 18 et Sophie Raux, « Le dessin à l’époque de sa reproductibilité technique. Diffusion et réception des fac-similés de dessins » in Emmanuelle Delapierre (dir.), Quand la gravure fait illusion. Autour de Watteau et Boucher, le dessin gravé au XVIIIe siècle [cat. exp. Musée des beaux-arts de Valenciennes, 11 novembre 2006 – 26 février 2007], Roubaix, Gourcuff Gradenigo, 2006, p. 105-154.
8. Jean-Bernard Restout, 1772, op. cit., n.p.
9. Les logements de François Boucher et sa famille ont respectivement été situés rue Saint-Thomas du Louvre (v. 1731-1743), rue de Grenelle-Saint- Honoré (1743-1748) et rue de Richelieu (1748-1752). Voir Liste des noms et adresses de Messieurs les Officiers de l’Académie Royale de Peinture et Sculpture, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, inv. Ms.21.
10. Alexandre Ananoff, Daniel Wildenstein, François Boucher, Lausanne, La bibliothèque des arts, 1976, p. 43.
11. Ibidem, p. 54.
12. Christian Michel, 2003, op. cit., p. 95.