Michel Dorigny
par Damien Tellas
Cahiers du dessin français n°21
Publié en mars 2019
Sommaire
- Introduction
- Texte d’ouverture Lire un extrait
- La fortune d’un dessinateur
- Dorigny dessinateur
- Repères biographiques
- Catalogue
Le catalogue est classé selon un ordre chronologique malgré la difficulté de dater avec précision certains dessins, notamment ceux à la pierre noire lorsqu’ils ne sont pas rattachés à une composition connue.
Les dessins préparatoires à des décors, approximativement datés, servent de jalon.
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Extrait de l’introduction
Nombreux sont les artistes qui ont travaillé dans le sillage de Simon Vouet. Eustache Le Sueur, Michel Ier Corneille, Charles Le Brun, Jacques Sarazin, Charles Poerson, François Perrier ou encore Pierre Mignard, pour ne citer que les plus talentueux, sont aujourd’hui reconnus indépendamment du premier grand maître du XVIIIe siècle. Pourtant, ces quelques noms cités ne représentent qu’une trop petite partie de tous les artistes passés à un moment dans l’atelier de Vouet, ne fût-ce qu’en tant qu’élève ou collaborateur. Les historiens de l’art ont encore quelques difficultés à saisir – sinon à retrouver – la personnalité et l’œuvre de beaucoup d’autres. La production de Rémy Vuibert dans l’atelier du Premier peintre n’est pas identifiée, pas plus que celle de Nicolas Chaperon ou François Tortebat, et Charles Dauphin ou Noël Quillerier ne sont pas encore suffisamment connus. Michel Dorigny a, lui, une place quelque peu particulière que l’historiographie a souvent négligée.
En effet, ayant gravé quatre-vingt-cinq plaques d’après les œuvres de Simon Vouet, le Dorigny graveur n’a jamais été oublié car ses estampes reproduisent des tableaux ou décors célèbres du maître. Elles ont, la plupart du temps, été appréciées et reconnues à côté de quelques contemporains à la pointe moins habile comme celle d’Antoine Garnier ou de François Tortebat qui fut aussi son beau-frère. On ne peut en dire autant du peintre que l’on a tantôt loué, tantôt déprécié, alors que l’on ne connaissait de lui que quelques éléments décoratifs dans le pavillon de la Reine du château de Vincennes. Ainsi, aucun tableau de chevalet ne fut cité comme étant de la main du peintre avant l’acquisition par le musée du Louvre en 1949 du Pan et Syrinx (1) – peint en 1657 et gravé peu de temps après par ses soins – suivie de l’identification du Christ en croix appartenant aux collections royales depuis le XVIIe siècle (2), qui a retrouvé son attribution dans les années 1960 (3). Quant au dessinateur, il fut partiellement retrouvé en 1936 dans un premier temps (4) – grâce à vingt- et-un dessins passés en vente en Angleterre, tous portant une signature apocryphe, mais qui n’a été véritablement étudiée que dans les années 1960 (5) – puis dans un second temps durant les années 1980 (6), nous le verrons.
Natif de Saint Quentin en Picardie, Disciple et Gendre de Vouët, a suivi de fort prés la maniére de son Beau-Pére, dont il a gravé à l’eau-forte la plus grande partie des Ouvrages, & leur a donné le véritable caractére de leur Auteur. il mourut Professeur de l’académie en 1665 âgé de quarante-huit ans (7).
Les premières mentions sur Dorigny, issues de la plume d’un André Félibien ou d’un Roger de Piles, ont fixé pour la postérité l’image d’un artiste « disciple de Vouet », le « graveur de Vouet », comme si l’artiste lui-même ne s’était pas soucié de diffuser son art et son nom. Il ne grave que deux de ses propres toiles (fig. 1-2) (8), il ne signe ni tableaux ni dessins et, à notre connaissance, ne se fait pas portraiturer. Félibien précise d’abord que Dorigny est le « disciple de M. Voüet » en 1679 (9), et dans ses Entretiens (10), dix ans plus tard, il mentionne que Dorigny a travaillé « sous Vouet ». Malgré cette nuance, l’artiste resta présenté comme un élève de Simon Vouet dans les écrits du XVIIe siècle jusqu’à nos jours.
Une erreur due à Antoine Nicolas Dezallier d’Argenville faisait naître Dorigny en 1617 (11) : son contrat d’apprentissage dans l’atelier de Georges Lallemant en février 1630 (12), ainsi que son billet d’enterrement en février 1665 prouvent qu’il est né vers août ou septembre 1616, à Saint-Quentin (13). Ses parents Nicolas Dorigny et Françoise Alavoine se sont mariés le 11 septembre 1605 (14), exactement onze ans avant, et cinq enfants sont nés de leur union ; il est fort probable que Michel soit l’un des derniers enfants du couple. On ne sait que peu de choses de son enfance à Saint-Quentin – les documents nous renseignent notamment sur son père, conseiller du roi et lieutenant en l’élection de Saint- Quentin et un de ses oncles paternels, François, chanoine de l’église royale de Saint-Quentin, ce qui laisse présager une enfance assez confortable. Peu avant ses quatorze ans, en février 1630, son père le fait entrer dans l’atelier de Georges Lallemant qu’il quitta cinq ans plus tard comme le prévoyait le contrat d’apprentissage (15). Dorigny n’a donc été l’élève que de Lallemant, et a dû entrer dans l’atelier de Vouet peut-être dès 1635 ou au moins en 1636, en tant que collaborateur.
À partir de ces dates, c’est par la gravure que l’on peut suivre l’artiste : il grave son maître Lallemant (16), probablement vers 1634, et se tourne vers le style de Pierre Brebiette en gravant notamment en contrepartie une série de gravures d’odoardo fialetti (17). Le graveur donne ensuite sa propre version, un Triomphe de Cérès et Bacchus en douze planches non signées (fig. 3-4) (18), particulièrement rares, que nous avons découvertes à l’Albertina et qui ont pu être identifiées dans un recueil d’estampes italiennes du XVIe siècle de la Bibliothèque nationale de France (19). C’est alors un artiste qui se tourne vers le « maniérisme tardif » qui connaît ses dernières heures dans les années 1630. (…)
1. Huile sur toile, H. 0,985 ; L. 1,31 m., inv. R.F. 1949.21.
2. Huile sur toile, H. 1,07 ; L. 0,77 m., inv. 8495.
3. Y. Picart, La vie et l’œuvre de Simon Vouet, Paris, ca. 1963, vol. II, pl. 44 « parfois attribué à Dorigny » ; P. Rosenberg, « Trois expositions italiennes : Cortone, Bologne et Florence », Revue de l’Art, no 15, 1972, p. 114.
4. A. Hurtret, « Dessins de Michel Dorigny ayant servi à la décoration du château neuf de Vincennes », Les Monuments historiques de France, fascicule 3, 1937, p. 129-133.
5. P. Rosenberg, cat. exp. Mostra di disegni francesi da Callot a Ingres, Florence, Galleria degli Uffizi, 1968, Florence, 1968, p. 42-44.
6. Voir notamment B. Brejon de Lavergnée, « New Light on Michel Dorigny », Master Drawings, vol. XIX, no 14, 1981, p. 445-468 ; B. Brejon de lavergnée, Dessins de Simon Vouet : 1590-1649. Musée du Louvre, Cabinet des dessins. Inventaire général des dessins. École française, 2, Paris, 1987, p. 182-191.
7. R. de Piles, Abrégé de la vie des peintres…, Paris, [1699] 1715, p. 488.
8. La Vierge à l’Enfant en 1652 et le Pan et Syrinx à une date inconnue (entre 1657 et 1665). Voir r.-a. Weigert, Inventaire du fonds français…, t. III, Paris, 1954, p. 475, nos 1 et 4 (référence désormais abrégée en I.F.F.).
9. A. Félibien, Noms des peintres les plus celebres…, Paris, 1679, p. 61.
10. A. Félibien, Entretiens sur la vie et les ouvrages des plus excellens peintres…, t. V, IXe entretien, 1688, p. 56.
11. Voyage pittoresque de Paris…, Paris, [1749] 1778, p. 444.
12. Paris, arch. nat., min. centr., XXi, 116, 9 février 1630 ; cité et transcrit par J. duportal, Études sur les livres à figures édités en France de 1601 à 1660, Paris, 1914, p. 109.
13. Paris, Ensba, ms., arch. 137, 22 février 1665 ; O. Fidière, État-civil des peintres et sculpteurs de l’Académie royale…, Paris, 1883, p. 10.
14. Laon, Archives départementales de l’Aisne, 5Mi1239 (inédit). Pour une biographie plus complète, voir V. Théveniaud, « Michel Dorigny (1617- 1665). Approche biographique », B.S.H.A.F., année 1982, 1984, p. 63-67.
15. Pour la quittance de fin d’apprentissage, Paris, Arch. nat., Min. centr., XXI, 126, 29 février 1635 ; cité et transcrit par F.-G. Pariset, « Documents sur Georges Lallemant », B.S.H.A.F., année 1952, 1953, p. 175-176, no 27.
16. Un Moïse sauvé des eaux et une Adoration des mages (I.F.F., nos 39-40).
17. I.F.F. nos 21-26.
18. On en trouve deux copies de la collection Thuillier au musée des Beaux-arts de Nancy, qui sont en contrepartie et de dimensions réduites et qui ont d’ailleurs été cataloguées comme « dans le goût » de Brebiette par S. Herman, Estampes françaises du XVIIe siècle : une donation au Musée des beaux-arts de Nancy, Paris, 2008, p. 112, nos 323.1 et 324.2.
19. Le Triomphe de Cérès et Bacchus, eau-forte, Vienne, albertina graphische sammlung, inv. hB. 101. Les estampes viennoises portent toutes une inscription à la plume « Dorigny sculp.» et sont éditées par René Guerineau ; Paris, Bibl. nat., Est., EB 101 rés. vol. in-fol.